bioubiou
ailes brisées
[...]
Il soufre et il tombe.Chaque mot m'avit poignardée.J'ai titubé en arrière cherchant désespérément un air qui n'arrivait plus dans mes poumons, jusqu'à buté sur une chaise sur laquelle je me suis éffondrée.
Savez-vous ce que ressent un oiseau lorsqu'un chasseur lui tire dessus, lorsque son corps percé de mille blessures ne lui répond plus, lorsque ses plumes arrachées par les ploms tournoient dans le ciel autour de lui, lorsque ses ailes pendent, inutiles?
Il soufre.
Savez-vous ce que ressent un oiseau lorsqu'un chasseur lui tire dessus, lorsque son corps percé de mille blessures ne lui répond plus, lorsque ses plumes arrachées par les ploms tournoient dans le ciel autour de lui, lorsque ses ailes pendent, inutiles?
Il soufre.
[...]
Tu lis quoi?
[...]
-Tu lis quoi?
En fait, il ne lit pas, il est absorbé dans la contemplation d'une photo: elle représente un homme assis dans un fauteil, un cigare à la bouche. Le cliché a été pris alors qu'une volute de fumée qu'il a souflée face à l'objectif masque son visage d'un voile vaporeux qui, étrangement, semble avoir dissous les traits de son visage. Les yeux seuls transpercent l'obstacle volatil et fixent le spectateur avec une intensité dérangeante.
- Non. Je vous ai entendu en parler un jour avec maman. C'est drôlement beau en tout cas.
-Et celle-là, elle ne te dit rien?
Il tourne quelques pages avant de trouver ce qu'il cherche. C'est un portrait encore. Le portrait en noir et blanc d'une femme à la beauté bouleversante. Elle a été photographiée à travers une vitre. On comprend qu'elle est penchée en avant, tout entière tendue vers celui qui immortalise son image. Son haleine a troublé le verre, y déposant un film presque invisible de buée, suffisant en tout cas pour donner à la peau un tremblé léger, une douceur de soie. Face à la bouche, on devine la trace imperceptible de ses lèvres qui a laissé, imprimée sur la vitre, la marque d'un baiser, sans doute adressé au photographe. Mais ce qui frappe le plus, outre la perfection des traits , un visage ovale éclairé par des yeux clairs et encadré par d'épais cheveux bruns coupés très court, à la garçonne, c'est l'expression de douleur qui habite le regard qui n'a pas eu le temps de contaminer le reste du visage. Cette femme souffre au-delà du possible. C'est incongru car la photo n'exprime par ailleurs que l'amour, ou la vénération.
- Elle est magnifique. C'est une actrice? Comment a-t-elle pu exprimer autant de douleur avec ses seuls yeux.
Mon père contemple en silence l'ouvrage qu'il tient entre ses mains. Il lisse la page de la paume d'un geste machinal, inexpliquable. Il a l'air très énu.
- L'histoire de cette photo est racontée dans le chapitre que je viens de te lire. C'est le dernier cliché qu'a réalisé Arnstaadt. Il a alors définitivement choisi d'émigrer aux Etats-Unis et il est devenu chef-opérateur à Hollywood. C'est la qu'il a terminer ses joirs. Il a disparu il y a huit ans maintenant, dans un oubli relatif.
- Et elle?
- Elle? - Il marque un temps - Elle est morte dans les minutes qui ont suivi cette prise.
Je suis tétanisée par sa réponse. Comment peut on mourrir comme ça? Il n'attend pas que je l'interroge et continue.
- Arnstaadt était un artiste très connu, très recherché. Il s'était tourné vers la photographie après avoir appris la peinture aux Beaux-Arts. Une formation déterminantepour lui cai il traitait ses portraits comme des toiles, avec le même soin, le même sens de la composition, de la lumière. Il a rencontré Louise-Marie Becker pendant un défilé de mode. C'était un mannequin d'une expectionnelle beauté, comme tu as pu le constater. Il devait faire une série de cliché d'elle. Ils sont tombés amoureux l'un de l'autre instantanément. Le coup de foudre. Louise-Marie Becker avait une particularité singulière pour un modèle: elle était sourde et muette, de naissance. Ce qui aurait pu être un handicap chez une autre était devenu un extraordinaire avantage: elle était à la fois ici et ailleurs, présente et absentte. Quand elle défilait, elle portait les vêtements d'une manière inimitable, avec une élégance fabuleuse, jamais vue. On l'admirais unanimimement. Un poète avait écrit de Louise-Marie: Elle habitait son silence comme une reine son palais. De fait, elle était un mystère incarné. Imagine qu'elle n'avait jamais donné la moindre interview, jamais exprimeé le moindre avis. Elle se contentait de défiler à l'heure dite. Le reste du temps, elle disparaissait.
- Mais comment pouvait-elle conduire sa carrière, comment pouvait-elle faire ce qu'on lui demandait?
Mon père balaie ma question d'un mouvement de la main, les yeux brillants, tout heureux de me faire découvrir sa nouvelle passion.
- Appartenent à un millieu fortuné, les meilleurs médecins l'avaient suivie. Dés sa plus tendre enfance, ses parents l'avaient inscrite dans une institution spécialisée en Suisse, très renommée et très chère. Elle avait ainsi pu faire de solides études et avait appris à lire sur les lèvres. En plusieurs langues! Louise-Marie était belle, riche, cultivée. Elle avait tout pour être heureuse.
- Mais elle est atteinte d'une grave maladie... C'est l'hypothèse pour expliquer sa mort et je n'ai pas pu m'empêcher de la formuler.
- Pas du tout... Elle s'est suicidée.
- Suicidée! Mais pourquoi?
Je suis sur les charbons ardents mais, conscient de me tenir en haleine, mon père prend son temps. Il saisit son verre que j'ai conservé à la main et en savoure une gorgée avant de poursuivre.
- Arnstaadt était, je te l'ai dit, un homme très connu, couvert de femmes. Il avait accumulé les conquêtes au cours de sa carrière: les plus belles actrices, les plus beaux mannequins. Il avait la réputation d'un séducteur invétéré. Louise-Marie le savait. On ne lui avait pas connu de liaison avant Arnstaadt et il n'était pas difficile de comprendre qu'elle était la femme d'un seul homme et que cet homme, c'était lui. D'après son biographe, Arnstaadt était follement amoureux d'elle et, même s'il ne le clamait pas sur les toits à l'époque, il n'y avait plus dans sa vie que Louise-Marie. Mais pour cette dernière, chaque jour était une épreuve. Chaque jour elle redoutait qu'il la quitte. Elle était très vulnérable, presque dépressive et il le savait. Aussi ne lui donnait-il aucun motif d'inquiétude. Mais il voyagait beaucoup et elle vivait dans l'angoisse qu'il rencontre une autre femme et su'il l'abandonne. Un jour, c'était l'hiver et il revenait d'une absence qui s'était un peu prolongée, Hans-Dieter lui a proposé de faire une série de portraits , chez eux. Il en a réalisé plusieurs qui ne le satifaisaient pas. C'est alors qu'il a eu l'idée de photographier à travers une vitre. Il a raconté tout cela à son biographe, 42 ans après les faits. Il était à l'extérieur de la amison. Louise-Marie le regardait à travers le carreau,avec, selon ses paroles, une passion qui la possédait complètement. C'est alors que lui est venue l'idée. Au moment de presser le déclancheur, il a distinctement articulé, sans même le dire à haute voix; "C'est fini, je ne t'aime plus." Il savait qu'elle lirait immédiatemment sur ses lèvres. Ses paroles étaient évidemment mensongères mais ça, elle ne pouvait pas le savoir. Louise-Marie avait tellement peur qu'il les lui disent un jour qu'elle l'a cru. Arnstaadt avait besoin de son émotion,de sa douleur à cet instant précis. Mais pas une douleur feinte. Il lui fallait une douleur vraie, brutale, dévastatrice. Il a été au-delà de ses espérances. Sur la photo, elle ne joue pas la comédie, l'expression que tu lis dans ses yeux , c'est l'effet des paroles d'Arnstaadt. Ce qui s'est passé ensuite est probablement imcompréhensible. Louise-Marie a perdu la tête. Elle est partie s'enfermer dans sa chambre. Son compagnon n'a pas réussi à y rentrer en dépit de ses cris, de ses supplications. Devant son silence, il s'est inquiété et a fini par appeler des amis. Ils ont enfoncé la porte, avec mille difficultés. Quand ils l'ont découverte, elle était déja morte, les veines des poignets tranchés jusqu'à l'os. Elle s'était aussi lacére le visage, avec acharnement. Rien, pas un mot, pas un message n'expliquait les raisons de son geste. A l'époque, bien sur, personne n'a su quoi que se soit de l'épisode que je viens de te raconter. Arnstaadt n'a plus jamais touché un appareil photo de sa vie
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Je vous avoue que cela me ferait plaisir de lier plus qu'une amitié avec vous.
Je vous écris avec beaucoup d'hésitation ses quelques lignes pour vous décrire ma situation.
En espérant trouver compassion auprès de vous car cela s'impose à moi vue la pénible et difficile condition de vie que je mène présentement.Mais avant, je tiens à me présenter à vous.Mon nom est madame SHEREMETEVA Nadezda
C'est du Pierre Botter n'est-ce pas ? Il vient du livre "Zouck". Magnifique... vraiment. mais c'est loin d'être son plus beau livre. J'adore Pierre Botter. C'est un auteur qui a le don de percer les sentiments les plus profonds et de les remettre par écrit... et de les partager. C'est un beau passage. J'ai emprunté ce livre a la bibliothèque et j'avoue beaucoup repenser à ce passage. Merci. Grâce à vous je l'ai retrouvé :-)
il faudrat que je me procure ce livre.